Les Arts de Mémoire : la topomnèse et le virtuel H-zéro (conférence donnée au club de l’Hypermonde en 1997) J'ai beaucoup de choses à dire sur la mémoire et je vais m’efforcer de n'en oublier aucune. Situons d’abord cette exploration des Arts de Mémoire dans nos préoccupations sur l’Hypermonde. Le premier pas dans l'exploration des espaces virtuels se doit d'être dans l'espace virtuel le plus ancien, le plus accessible à tous, même aux animaux : la mémoire. Il ne s'agit pas de l'imagination, qui pourrait être le virtuel H-1, mais bien du degré zéro, la mémoire pure et dure , ou virtuel H-zéro. Le sujet des Arts de Mémoire a été récemment traité par Jacques Roubaud, dissimulés sous le titre « L'Invention du Fils de Leoprepes », livre paru chez Circé en 1993. Sans jamais nous être rencontrés, ou presque, nous nous sommes intéressés au même sujet et nous avons lu à peu près les mêmes livres (peu nombreux). En revanche, je ne suivrai absolument pas Jacques Roubaud dans l'usage de son étude, qu'il soumet entièrement à son intérêt pour la poésie. Je le suivrai encore moins dans ses conclusions sur la ... mort de la mémoire, sur sa description apocalyptique d'une génération contemporaine de têtes vides et sur les menaces que cela fait peser, entre autres, sur la survie de la poésie. Je comprendrai plutôt ses réactions comme le désarroi d’une personne sans prise sur l’univers contemporain. Par contre ses références constantes à la mémoire à travers son oeuvre, notamment dans le fondamental « Mathématique: », sont peut-être précieuses pour progresser dans l'Art de Mémoire. Sa tentative d'application des voisinages et des filtres de la topologie aux espaces de mémoire est-elle féconde ? Tout le travail reste à faire, mais il est prometteur. Les premiers travaux de cartographie et de développements de technologies propres au virtuel mémoire H-zéro, datent de plusieurs milliers d'années. Ils constituent un corps de techniques et de savoirs qui se transmettent au cours des siècles sous le nom d'Art de Mémoire. Ils sont aussi parfois localement inconnus et spontanément redécouverts. Les ouvrages essentiels sur le sujet sont : - Cicéron : De Oratore, -65 - frère Gesualdo, Plutosofia, 1492 - Frances Yates, The Art of Memory, 1963 - A. R. Luria, The Mind of a Mnemonist, 1968 Selon de texte, presque mythique, de Cicéron, l'inventeur de l'Art de Mémoire est Simonide de Céos, dit Simonide le Lyrique, qui vêcut à cheval sur le quatrième et le cinquième siècle avant notre ère. Entre autres hauts faits, ce grand esprit fut l'acteur du dernier ajout de lettres à l'alphabet grec: il en ajouta quatre, dont l'oméga. Qu’aurait été Theillard de Chardin sans Simonide de Céos ? Simonide semble avoir aussi inventé la poésie mercenaire, permettant aux riches et aux puissants de louer un poète pour être loués à leur tour. Les techniques d’Art de Mémoire sont donc peut-être nées ainsi du besoin de mémoriser sur commande de longs poèmes de circonstance. Le texte mythico-fondateur de Cicéron relate un évênement survenu au cours d'un diner chez un certain Scopas, à Crannon en Thessalie. Céos était là en tant que poète, payé pour chanter les louanges du maître de maison. Il se trouve que, au cours du long poème qu'il récite pour remplir son contrat, il en vient à évoquer Castor et Pollux. Là Scopas l'interrompt pour lui rappeler le sujet obligé de son poème et que les strophes consacrées à Castor et Pollux ouvrent droit à une réduction, éventuellement compensée par Castor et Pollux eux-mêmes. A ce moment, on vient dire à Simonide que deux jeunes gens l'attendent à la porte. Il s'excuse, s'y rend et ne voit personne. Mais pendant ce temps le toit de la maison de Scopas s'effondre et tue l'ensemble des convives, au point de rendre leurs corps méconnaissables. Simonide utilise alors la puissance de sa mémoire, étant capable de restituer le lieu où se trouvait chaque convive, et donc d'identifier leurs restes. Ce récit fonde l'Art de Mémoire, technique de mémorisation et restitution d'ensemble d'objets par placements imaginaires dans des lieux physiques. La technique est donc une entreprise de topographie projective, pour doter d'un solide système de trois dimensions l’espace notoirement flou de la mémoire, où même le temps n'a pas de pouvoir structurant définitif. Si l’on suit quelques règles simples, le résultat est stupéfiant d'efficacité. Nous allons explorer rapidement les principes et la pratique de cette technologie. Mais avant d'aller plus loin il me semble indispensable de la nommer. Contrairement à Yates et Roubaud, qui respectent la tradition au point de transmettre l'expression Art de Mémoire - ce qui les amène à rester au niveau de l’étude et à ne pas toucher à la pratique - j'ai besoin d'un terme d'allure plus technique, qui facilitera la nécessaire distinction entre l'outil et son usage. Je propose donc le terme de topomnèse, qui décrit exactement ce dont il s'agit (tout en portant un respect total de la tradition grecque). La base de l'efficacité de la topomnèse est que l'on se souvient facilement des lieux physiques que l'on connaît bien, et en particulier, si possible des lieux que l'on fréquente depuis son enfance, ou au moins quotidiennement. On se servira donc de ces lieux comme supports, ou canevas, pour y accrocher les objets et les idées que l'on souhaite mémoriser. Ainsi, l'efficacité de la méthode va dépendre à la fois du soin avec lequel on va préparer et organiser les lieux supports, et de la qualité de la technique d'accrochage des objets sur ces lieux. La restitution du souvenir consistera ensuite simplement à parcourir les lieux de base, pour y observer ce qu'on y a accroché. On choisit comme lieux de base des sites non seulement bien connus de soi, mais aussi fixes, bien éclairés et garnis d'objets et d'évênements agréables (on en ajoutera au besoin). Dans la méthode "décimale", qui me semble due à Aubanel, car je ne l'ai jamais vue décrite ailleurs, les lieux choisis sont des pièces rectangulaires, où l'on entre par une porte située au milieu d'un mur. Une telle pièce permet la définition de dix sous-lieux : l'entrée, le coin à gauche, le milieu du mur de gauche, le coin en face à gauche, le milieu du mur en face, le coin en face à droite, le milieu du mur de droite, le coin à droite, le centre du plancher, le centre du plafond. Ces dix lieux peuvent aisément se parcourir à l'endroit, à l'envers, de deux en deux, etc. L'organisation de base de la topomnèse, avant toute utilisation, consiste à organiser une suite de telles pièces. Il est bon d'en "meubler" une par jour, par exemple, jusqu'à en avoir une bonne dizaine, ou plus. On s'exerce à les parcourir dans l'ordre, à l'endroit et à l'envers, pour bien assurer cette "base" et la connaître comme sa poche. La phase de travail, l'accrochage de chaque suite à mémoriser, fait plus appel à l'imagination qu'à la logique. La technique consiste à associer chaque objet, dans l'ordre, au lieu où il est déposé. Cette association est réalise au moyen d'une mini-situation, ou action, aussi aberrante et pittoresque que possible. Avec un peu de pratique on devient capable de mémoriser une suite en un seul parcours et, par exemple, de restituer de manière spectaculaire, à l'envers de deux en deux, les Etats Unis d'Amérique ou les éléments de la table de Mendéléief. Revenons brièvement au texte fondateur de Cicéron, deux commentaires développent son sens : celui de Roubaud et celui de Louis Marin. Jacques Roubaud voit dans la présence des gémeaux la mise en scène de la gemellité, l'idée de "mêmeté" entre un évênement et sa mémoire. Curieusement, il ignore l'article de Louis Marin, pourtant paru plusieurs années avant dans un numéro de Traverses entièrement consacré aux "Théatres de Mémoire". Dans "Le trou de mémoire de Simonide", Marin met l'accent sur la présence même de Castor et Pollux dans le poème, qui ne peut être, selon lui, qu'un rapiècement, mis là hativement dans la foulée, pour masquer un trou de mémoire du poète, au milieu du poème originellement consacré entièrement à Scopas. On aurait donc là, au sein même d'un récit consacré à l'éloge de la mémoire, une incise faisant l'éloge de l'oubli. Le récit est alors complet, mettant en scène à la fois l’invention de la technique et les réflexions qui conditionnent son assimilation. La topomnèse a particulièrement fleuri à la Renaissance, en Italie, la boulimie de connaissances de toutes sortes s’accompagnant d’une boulimie d’acquisitions personnelles directes. Gesualdo publie une méthode très étendue et rafinée : son Plutosofia. Pierre de Ravenne se vante de posséder plus de cent mille lieux en état de recevoir du contenu, lui permettant de posséder aussi bien le droit canon dans son entier que des centaines de discours de Cicéron. D’autres auteurs, comme Lodovico da Pirano, poussent la technique plus loin : ils proposent de remplacer les lieux réels de base par des lieux imaginaires, construits/imaginés à cet effet, plus propres à recevoir les éléments à mémoriser. Ramon Lull lui donne la première structure arborescente connue. Ultime projet : Giulio Camillo tente de construire réellement un Théatre de la Mémoire, qui contiendrait tous les savoirs du monde. Aujourd’hui, la topomnèse est encore vivante. Des ouvrages pratiques, plus ou moins honnêtes, circulent encore. Dans les années cinquante-soixante, un éditeur d’Avignon, Aubanel, proposait des cours par correspondance. Je connais au moins un comédien qui l’utilise pour retenir ses textes. Passons maintenant à une étude de cas. Le psychologue russe Luria nous offre une occasion inespérée d'analyser l'intérêt pratique de la topomnèse. Dans son livre The Mind of a Mnemonist, il décrit un cas extrème, qu'il a étudié pendant plusieurs dizaines d’années. Il s'agit d'un homme présentant des possibilités prodigieuses de mémorisation, au point d'en faire son métier et de se produire dans des cirques. Ce sujet, du nom de Cherechevski, avait spontanément spontanément retrouvé les arts de mémoire, associant des suites d'objets aux rues et aux personnes de sa ville natale, commençant même souvent par son petit lit d'enfant. Il était ainsi capable d'enregistrer n'importe quelle suite de mots, même dans des langues étrangères inconnues, et de les restituer impeccablement, aussi bien dans l'instant que plusieurs années plus tard. Louria avoue n'avoir jamais pu constater de limite à ses possibilités de mémorisation. Luria a démontré plusieurs fois l'étroite dépendance spatiale entre les suites mémorisées et leur support dans la mémoire de Cherechevski. La restitution d'un objet pouvait dépendre à la fois de la situation, de la visibilité et de l'éclairement du lieu où il l'avait déposé. Ainsi, un objet déposé par mégarde dans un endroit où le réverbère fonctionnait mal, pouvait être ensuite "invisible" et omis à la restitution. Un premier inconvénient, mais très personnel, de la mémoire de Cherechevski était la force et la permanence de ses associations, qui pouvaient provoquer de véritables handicaps. Par exemple, si, au cours d'un repas, un certain plat se trouvait associé, dans la conversation, avec des termes désagréables et répugnants, il ne pouvait plus, du reste de sa vie, consommer ce plat sans répugnance. Autre exemple : il lui suffit de souvenir d'une course à pied pour que son pouls s'accélère immédiatement. D'une manière plus générale, le souci de Cherechevski est peu à peu devenu celui d'oublier, de sortir de sa mémoire l'accumulation d'associations qu'il avait réalisé au cours de ses tournées. En fait, aucune amnésie ne lui est possible, même de sa première enfance, dont les souvenirs peuvent lui être très pénibles. On notera aussi au passage un trait commun avec Raymond Roussel : la certitude d'être appelé prochainement à un destin important, susceptible d'intervenir à tout moment. Mais, en quelque sorte le négatif de Roussel, qui attendait en accumulant des productions à l'extérieur de lui-même, Cherechevski accumulait en lui-même. Par contre, il est plus intéressant de constater la séparation totale entre les facultés de mémorisation de Cherechevski et sa logique et son intelligence. Dans une expérience fondamentale, il lui fut un jour demandé de mémoriser une suite de mots où se trouvaient, parmi d'autres, d'une part des noms d'oiseaux, d'autre part des noms de liquides. Il fut ensuite tout à fait désorienté par la proposition de trier et restituer les noms d'oiseaux et les noms de liquides. Il ne put le faire, et très difficilement, qu'après avoir restitué l'ensemble, et donc dans sa mémoire immédiate. Autant le tri spatial lui était facile (à l'endroit, à l'envers, de deux en deux, etc.), autant le tri logique lui était pratiquement impossible. Mieux encore, on lui demanda de mémoriser la suite : 1 2 3 4 2 3 4 5 3 4 5 6 4 5 6 7 ... poursuivie ainsi logiquement sur plusieurs pages. Cherechevski la mémorisa de manière parfaite, après quelques instants de concentration, mais comme si les nombres étaient totalement hétéroclites, sans voir leur logique. Il reconnut cette logique par la suite, quand on la lui montra et dit qu'il l'aurait reconnue seul si les nombres avaient été des lettres, car il se serait entendu les prononcer au moment de les retenir. En conclusion de ces observations, il apparaît que les Arts de Mémoire présentent un intérêt pratiquement équivalent à celui d'une bibliothèque ou d'une médiathèque. Le contenu est là, à notre disposition, mais penser avec directement est impossible. Avant de l'utiliser pour penser, il faut procéder à une opération qui le mette sous une autre forme plus accessible. Il faut en passer le contenu de la mémoire de masse à la mémoire vive. Il faut se l'approprier dans cette partie de notre mémoire utilisée par notre pensée. Retenons néanmoins que, si la topomnèse n’est pas plus utile qu’une bibliothèque, elle ne l’est pas moins et que l’indépendance totale qu’elle offre à ses usagers peut être séduisante dans de nombreux cas. On peut penser qu’elle sera une alternative à considérer tant que nous ne serons pas capable de brancher directement nos cerveaux par ondes courtes sur des bases de données. De manière complémentaire et ironique, Umberto Eco (Un Art d'Oublier est-il concevable ?, in "Théatres de la Mémoire") fait lui-aussi ressortir l'aspect fantaisiste des associations pratiquées par la topomnèse : "un théatre de la déconstruction et de la dérive infinie". Une telle pratique paradoxalement détruit le sens du contenu qu’elle prétendait mémoriser. C’est dans cette direction que Eco envisage des « stratagèmes d'oubli » : il va tenter d'aller plus loin en poussant la fantaisie à l'extrème, visant la dispersion des souvenirs et l'oubli par excès de signes. Mais cet excès risque fortement de rester en mémoire et de provoquer un échec de l'oubli par son succès même : la sur-mémorisation. En définitive, dit Eco, "un art d'oublier n'est pas concevable". Malheureusement, le texte de Eco est plaisant mais peu documenté : il ignore la pratique de son compatriote Gesualdo, qui « nettoyait » ses lieux de base avec des tempêtes de neige. Une autre manière de critiquer la topomnèse est de dire qu'elle ressemble beaucoup trop à l'invention d'Alphonse Allais, proposant d'oter au caoutchouc "cette élasticité qui le rend impropre à tant d'usages". En spatialisant ainsi la mémoire on évacue ce qui fait tout l'intérêt de l'univers mémoriel par rapport au monde "réel" (mais le monde "réel" n'est-il pas, lui aussi, abusivement spatialisé ?), à savoir un foisonnement de liaisons associative non-spatiale avec d'autres objets mémoriaux. L'espace mémoriel n'est pas un ensemble de lieux recevant des objets, mais un ensemble d'objets liés entre eux. Lui imposer un modèle topologique le coule dans un moule réducteur qui le dénature. Allons plus loin dans la question de l’usage et de l’intérêt de la topomnèse. D'abord, plus fondamentalement, pourquoi vouloir mémoriser ? Je vois au moins trois grandes raisons : 1- pour le plaisir de savoir et de faire savoir qu'on sait : spectacles, concours, examens, etc. 2 - pour retenir des étiquettes, numérotées ou non, collées à des objets intéressants, mais elles-mêmes sans intérêt autre que leur simple dénomination (noms des corps simples, noms des Etats Unis). 3 - pour retenir des objets qui vont être des objets de pensée, comme les propriétés des corps simples ou des données géographiques et économiques sur les états. Le troisième but est fondamentalement différent des deux premiers : il ne s'agit plus seulement de pouvoir restituer, mais d'avoir les moyens de penser. Or, lorsqu'il va falloir penser avec, la technologie mnémo-spatiale apparaît comme un obstacle, ajoutant arbitrairement des associations fantaisistes et déviantes. Au contraire, la pensée sera d'autant plus riche que le nouvel élément mémorisé sera lié au stock mémoriel par un foisonnement d'associations qui l'inscrivent dans l'univers en construction. Entendons nous : il ne s'agit pas de le lier par des suites logiques exactes et précises, mais par les associations et les relations de comparaison ou autres auxquelles il peut donner lieu. Il ne faut pas négliger la transformation du savoir depuis le seizième siècle. Nous sommes passés de collections de faits, plus ou moins cohérents, à des constructions de logiques et de processus de plus en plus complexes. Autant la topomnèse était incontournable pour les collections d'observations, autant elle est sans prise sur les processus. Elle est souveraine pour retenir la liste des prix Nobel de physique, mais inadéquate pour retenir leurs travaux, assimilation qui est un travail de compréhension. Nous sommes passés d'une culture de la mémorisation à une culture de la compréhension. Quoi qu'il en soit, la topomnèse a largement prouvé son efficacité et il me semble qu'il y a un travail à faire pour ne pas la jeter sans récupérer son énergie. Quelques bases de réflexion parmi les mille possibles : 1- Le pouvoir de l'utilisation des lieux dans la mémoire est indéniable. 2- Il ne peut plus être utilisé aujourd'hui comme il y a mille ans, d'abord parce que le papier et le silicium offrent une concurrence considérable, et surtout parce que, progressivement, c'est autre chose que nous souhaitons stocker dans nos neurones. Plus que des faits et des objets, nous avons besoin de méthodes et de processus. 3- Les progrès de l'anatomie et de l’observation du cerveau nous ont conduit à un modèle holographique du fonctionnement de la mémoire 4- Il importe d'atteler le pouvoir de la topomnèse à la tâche d'assimilation des processus. Comment ? Quelques suggestions donc, de méthodes de topomnèse contemporaine. Méthode R+7 : cette première méthode consiste à passer à un modèle de l'espace multidimentionel, du modèle cartographique au modèle relationnel, en d'autre termes, de la bibliothèque à rayonnage à la bibliothèque rayonnante, telle Internet. On s’appliquera donc, pour chaque nouvelle entité, ou nouveau processus à assimiler, à le faire réagir sur au moins 7 entités précédemment installées dans notre mémoire. (Dans cette méthode comme dans les suivantes, j’use du nombre 7 pour bénéficier de son énergie mythologique). La liaison peut être logique : le nouvel objet éclaire certains objets précédents par les nouveaux faits qui lui sont attachés. Elle peut être provocante et créative : le nouvel objet défie, menace par sa seul existence celle d'objets précédents. Etc ... Le processus me semble avoir été évoqué par Francis James (le frère de Henry). La méthode P+7 convient à toutes les entités, mais plus particulièrement aux connaissances de types évènementiel. Elle consiste à imaginer, sur chaque nouvel évènement, les points de vue et opinions de 7 personnages fictifs mais typiques. On n’hésitera pas à rêver un certain temps sur les réactions de chacun, jusqu’à constituer une véritable galerie de spectateurs, considérant la nouvelle entité comme un spectacle. La méthode D+7 s’inspire de la dissémination d’Umberto Eco. Elle propose de démembrer la nouvelle entité candidate à la mémorisation, en au moins 7 parties, plus ou moins logiquement disséquées, qu’on ira déposer en imagination sur autant d’entités déjà installées. A chacune, on imposera d’intégrer, de gré ou de force, ce nouvel élément en leur sein. Etc. Sources ____________________ Cicéron, De L'Orateur, Rome -65 Frère filipo Gesualdo Minor, Plutosofia, Padoue 1592 Frances Yates, The Art Of Memory, Londres 1966, traduit chez Gallimard en 1976 A. R. Luria, The Mind of A Mnemonist, New York, 1968 Revue Traverses 40 (avril 1987) : "Théatres de la Mémoire", deux articles - Louis Marin, Le Trou de Mémoire de Simonide - Umberto Eco, Un art d'oublier est-il concevable ? Jacques Roubaud, L'invention du Fils de Leoprepes, Circé 1993, à Saulxures. Copyright 1997, Pierre Berloquin (y compris un terme grecquiforme qui s'impose : la "topo - mnèse")